17.2.06

Bonnard et Tintoret

Bonnard aujourd'hui au musée de la Ville de Paris rénové peint à neuf est très loin de Degas et de Matisse - peut-être la Sieste, mais encore - que tout cela est sombre - du trop plein la vue - effet d'une mauvaise tapisserie, conséquence des commissaires mélancoliques et des conservateurs des souffrances - les figures de femmes sont malheureuses, posées comme des pions inactifs et maladroits dans une surcharge de couleurs souvent mal accordées - paysages qui conviennent aux vieilles habituées des musées, ces drôles de répliques, évidentes et vivantes, des gravures de Goya - préférons les caprices aux caricatures ! Je sauverai du lot présenté, pour l'endroit, Salle à manger sur le jardin à Arcachon (1930-31) et la pièce clé, fin de parcours, L'atelier au mimosa (1939-1946), d'une autre guerre.

L'atelier au mimosa

Le reste, malaise dans la couleur, le midi est assombri par trop de tons qui crient - seul intérêt de Bonnard : ses agendas - soucis du temps du jour (beau, nuageux, couvert, brumeux, variable, pluie…) avec accompagnement de dessins sur le vif de femmes nues, esquisses libres de l'intime - liberté du temps et des détails, respiration du jour.

Quelle figuration en peinture aujourd'hui ? Question fondamentale. Pourquoi Bonnard ne tient-il pas le temps à part quelques toiles ? Et pourquoi Bacon le tient. Question de risques et de dépenses. Le sud est mal vu, mal vécu, mal senti - Bonnard a le soleil triste. Il préfère les baignoires à la mer, les intérieurs aux extérieurs - c'est la différence essentielle avec l'œuvre de Cézanne ouverte à l'infini, même lorsqu'il s'agit d'une nature morte, d'un intérieur. Il y a quelque chose d'étroit, même dans les cadrages que certains trouvent originaux - une impasse devant la glace.

Par contre, au Louvre, et j'y convie Actéon, pour une rencontre au Paradis, Tintoret brille parmi ses contemporains, dessins, couleurs, corps en joie dans le sourire du ciel. Il faut aller voir celui que Giacometti appelait en 1920 après un voyage à Venise "le plus grand des amis" : "Je l'aimais d'un amour exclusif et partisan. Tintoret avait raison et les autres avaient tort."

Lionel Dax

Aucun commentaire: