26.2.06

EXPOSITION INGRES





Après les dessins de Véronèse et Tintoret je me demandais si avec Ingres j’aurais meilleur sort, non pas que mon ignorance fut complète à ce sujet; je connaissais son œuvre et savais à quoi m´attendre. Seulement, vous l’aurez remarqué, je cherche à être affecté in situ, touché, surpris, ému. Je mettais la chance de mon côté et ne demandais que ce que le hasard pouvait m’accorder. Un dessin m´avait peut-être échappé. La vue d´une belle femme jointe à l´idée d´un dessin d´Ingres pouvait éventuellement infléchir mon jugement en sa faveur.

En vain…

En aparte. Il faut que par quelque biais l´effet soit réel. Il me plaît d´imaginer chaque fois que je regarde un nu ce qui est à sa source, l´amont du dessin. Le dessin ne présuppose aucune idée. Je vois mal comment quelqu´un pourrait s´aventurer dans le dessin d´une femme… en général, sans tomber dans le discrédit, et si c´est d´idéal ce dont il s´agit, la contrariété n´en sera pas moins grande, car comment ne pas échouer si pour qu´un nu reste un nu, il faut que la source demeure empirique. La chute de l´idéal est ce qui donne lieu à… (je vous laisse répondre)

Contre-exemple : Watteau
En vain. Dés les premier croquis j´ai vu l´asservissement. Un dessin à la merci du tableau, une main captive qui compte ses sous, un quadrillé surveillant son homme de main. Un effort trop appliqué; des lignes sans traits. L’élan refoulé. Le tout montrant des penchants atones. Clôtures. Aucune amante. Je ressentais le poids lourd de l’Etat, il y a chez Ingres un côté fonctionnaire du nu, à croire, Mesdames, que notre homme ne léchait que les tableaux…




Mais surtout l’exemple se trouve chez Rubens.



Une femme n’est pas modèle…



Les tableaux maintenant.




La jeune femme semblait s’y intéresser. S’approchant de la toile plus que ne le font les gens d’habitude, je me plu à imaginer chez elle des penchants analogues aux miens : fraternité dont la seule objection était le sexe. Mais avions-nous les mêmes goûts ?

J’allais de salle en salle à la recherche de l’œuvre qui puisse contredire mes appréhensions. J’avais la femme, il me fallait lui trouver des circonstances atténuantes. Mais
Ingres daigna me répondre.

Elle avançait (à petits pas de danseuse) beaucoup plus lentement que moi. Au fait, je ne suivais aucun ordre, je me promenais distrait. Elle, plus méthodique et qui n’avait pas jugé utile de se défaire de son sac à dos ni de l’anorak, regardait tout avec constance. J’avais fait deux fois le tour qu’elle n’avait pas complété un quart du premier. Au troisième tour je la perdais de vue. J’en faisais un quatrième, elle avait disparu.

Je m’assois. Rien. Je prends mon carnet :

« Tout ce que nous demandons à la nature est de tenir lieu de Droit, Naturel d’après ce que l’on sait. Le droit des gens inclurait nos penchants ; la culture nous donnerai les moyens de les éviter. Si l’art nous permet de signer la paix seul le hasard nous libère. »

Toujours rien. Tant pis.

Direction : l’école du Nord.
Cette nouvelle promenade, en un sens égal aux autres — est un réitérer, un insister, un persister sur le même trajet, visiter les mêmes tableaux sans pour autant éprouver toujours les mêmes choses, découvrant ça et là un détail nouveau, méditant au gré des peintures, pareil à celui qui n´ayant d´autres choix que l´attente fait du différer son acte.
Mais quoi en marchant ?

Ecole du Nord. C’est visiblement là que j’ai rendez-vous, du moins c’est ce que j’ai décidé ou pâti, un jour ; un seul jour, comme c’est toujours un instant ce qui décide, nous décide — nous rencontre.
Un moment incertain, je me demandai, pourquoi ne serait-il pas en même temps simple, et du coup réjouissant ?

Devant chaque tableau me touchant la promenade paraît se dissoudre, tout comme les tracasseries quotidiennes en sont suspendues.

Si un tableau nous fait éprouver de la joie, nous ne pouvons pas nous rapporter à nous mêmes de la même manière que lorsque la beauté, c’est nous qui la produisons, par exemple, comme il arrive avec l’éclosion d’une phrase et que nous nous rendons compte qu’elle est celle d’un poème, son début, que nous allons pouvoir désormais écrire. La joie qui nous procure une toile, nous vient de l’extérieur ; il est impossible de l’anticiper, elle n’est pas en nous ; pourtant dès que la rencontre se produit, cette toile-ci, est un moment de nous même, mais si nous nous tournons vers nous-mêmes pour en savoir un peu plus : elle a disparu.
Actéon

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Où es-tu Actéon ? Dans quelles salles obscures es-tu aller promener ton oeil implacable ? Aucune baigneuse n'a donc trouvé grâce à tes yeux ?

Anonyme a dit…
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